Vous rendez-vous compte que les ménages francais consacrent un point de notre PIB national aux égouts et autres tuyaux enterrés ? Soit une vingtaine de milliards d’euros par an…. mais pour quels résultats ?
L’Eau paie l’eau
En France, l’un de nos principes fondateurs pour gérer les services publics d’eau et d’assainissement est le principe « l’eau paie l’eau ». C’est à dire que ce sont les factures d’eau qui sont censées payer l’ensemble des coûts liés au prélèvement, au transport, à la distribution, puis au traitement des eaux de chacun des Francais.
Pour cela, l’ensemble des Francais payent en moyenne 4,52 euros TTC par m3 consommé.
Mais cet argent suffit il à couvrir l’ensemble des frais ? Et suffit il à anticiper les besoins, pour une meilleur protection de la ressource en eau ?
De gros écarts dans les consommations selon les régions…
Regardons les chiffres de plus près : un francais consomme en moyenne 150 litres par jour et par personne, soit 54 m3 par an. Mais les Francais ne sont pas égaux en terme de consommation d’eau ! Par exemple, dans les Alpes Maritimes ce chiffre se monte à 90 m3/an/hab. Le département des Landes, comme celui de l’ile de la Réunion présentent aussi des chiffres très élevés. Plusieurs raisons peuvent être évoquées, comme l’impact du climat, la présence ou non de piscine, etc…. Globalement, un quart nord de la France consomme moins de 50 m3 /an/hab, là où un quart sud en consomme plus de 60.
Voilà pour la consommation, ensuite vient le moment de payer sa facture….
Et des factures qui ne sont pas proportionnelles
Mais payons-nous de manière proportionnelle à nos efforts d’économie d’eau ? Pas vraiment. Les Francais paient d’abord un abonnement, qui pèse environ 15 à 20% de leur facture, puis paient ensuite au volume consommé, m3 après m3. Et là encore, nous observons une grande disparité dans les prix pratiqués.
D’abord une disparité géographique : pour un prix moyen de 4,52 euros TTC/m3 (assainissement compris), un habitant de Bretagne ou des Hauts de France paiera plus de 5 euros le m3, tandis qu’un habitant de PACA ou d’Occitanie paiera moins de 4 euros.
Mais pourquoi de tels écarts ? Plusieurs raisons peuvent être avancées : la difficulté à aller chercher la ressource en eau et à la distribuer, le coût de son traitement (qui dépend de la qualité intrinsèque de la ressource) et l’effort consenti pour entretenir les réseaux d’eau.
La faute aux réseaux dont l’état est disparate
Les réseaux d’eau, c’est la bagatelle de 1,3 millions de km de réseau en France !! Soit quatre fois la distance Terre-Lune.
Et ces réseaux ne sont pas de grande qualité, puisque seulement 0,5 % est réhabilité chaque année, ce qui est loin d’être suffisant pour en assurer la maintenance correcte. A l’arrivée, 18% des réseaux sont non conformes, et les pertes en eau sont estimées chaque année à 28 % en moyenne (comprenant les pertes dans les adductions amont et les pertes dans les réseaux), soit un gaspillage de 1,6 milliards de m3 par an.
Bref, dans certains territoires, l’eau est chère mais l’actif immobilisé (tous les tuyaux et les ouvrages hydrauliques) est quelquefois insuffisamment géré. Au risque qu’il se dégrade inexorablement.
Alors me diriez vous, peut-être payons nous plus cher dans les secteurs où l’on entretient mieux ses réseaux d’eau ? C’est vrai dans plusieurs cas, comme par exemple en Bretagne. La logique de la gestion « en bon père de famille » prévaut dans de nombreux territoires. Mais pas partout….
La faute aussi aux dispositifs de gestion
On observe ensuite une disparité en terme de gestion : selon qu’on se situe en régie publique ou en délégation de service public, le prix n’est pas le même. On observe actuellement une différence comprise entre 10 et 15% entre la régie (moins chère) et le délégataire (plus cher).
Nous observons donc un effet ciseau : on paie relativement cher notre eau (chaque francais y consacre tout de même en moyenne 250 euros par an) et cela ne suffit pas à entretenir nos réseaux d’eau correctement….
Changement climatique : un réel besoin de sobriété
Mais le plus dur est devant nous : il s’agit à présent, collectivement, d’affronter les conséquences du changement climatique. Ce dernier va nous contraindre à investir massivement pour mieux collecter nos eaux, les stocker, traiter de nouveaux polluants, réparer les dégâts liés au climat, compenser les périodes de sécheresse. Tout cela pèsera encore plus sur notre facture d’eau. Déjà qu’on a du mal à financer nos tuyaux, comment allons nous relever ce nouveau défi ?
L’autre solution, complémentaire, consiste à économiser la ressource, déployer des solutions de sobriété. Cela conduira à moins utiliser nos ouvrages hydrauliques, et donc à moins les « user » et moins consommer d’énergie…. mais la conséquence sera d’augmenter inexorablement le coût de l’eau rapporté au m3, puisque les coûts fixes seront à supporter par un volume moindre d’eau distribuée.
Il conviendra aussi de trouver des modèles économiques pour financer ces boucles de réutilisation d’eau, qui seront au coeur du modèle de demain : réutilisation des eaux traitées, réutilisation des eaux grises, réutilisation des eaux brutes, …. autant de projets qui viendront bouleverser le fonctionnement actuel. Y sommes nous prêts ?
En conclusion : de nombreux territoires francais sont dans une situation sensible en terme de gestion de leur service d’eau. L’actif immobilisé (les fameux 1,3 millions de km de tuyaux) doit être mieux entretenu et la facture d’eau ne permet pas de le faire. Soit on investit massivement, soit on trouve des solutions nouvelles (comme la réutilisation des eaux) pour diminuer la pression sur la ressource, soit…. on fait les deux.
Et vous qu’en pensez vous ?